[INTERVIEW] Martin Lopez (Batterie) et Joel Ekelöf (voix) de SOEN : « Il y a du bon dans chacun de nous »

Si Soen ne vous dit rien, il est urgent de vous ruer sur leur discographie ! Fondé par un ancien des fameux Opeth, Martin Lopez, en 2005, le groupe continue sa exploration dans le metal progressif avec la sortie de « Lotus », leur quatrième galette. Le célèbre batteur et le chanteur de la formation, Joel Ekelöf, ont accepté de nous rencontrer à ce sujet.

Metal-Actus : Avec votre nouvel album, « Lotus », on a l’impression que vous êtes plus positifs, que vous avez envie de croire en l’avenir. Pouvez-vous m’en dire plus ?

Martin Lopez (batterie) : Pour moi, On doit essayer de se dire que tout ira mieux dans l’avenir. Mais si on n’est pas optimiste, quel est le but de la vie, de tout ? Tu sais, je pourrais juste accepter de regarder le monde et dire « le monde, c’est de la merde, et ce sera de pire en pire ». Et le seul moyen de contrecarrer ce genre de pensée est de se persuader qu’on va pouvoir changer les choses. Il y a du bon dans chacun de nous. Donc il faut qu’on essaie d’aller au-delà de notre individualité pour faire en sorte que les choses aillent mieux.

Et ce mot, « Lotus », est-ce que cela veut dire toutes ces choses pour vous ?

ML: Oui ! On peut prêter plusieurs interprétations à cette fleur, qui grandit, dans un environnement assez hostile, et devient magnifique : l’art, la création, les gens qui font de belles choses comme de la musique, ou de la peinture… Ou même vivre dans un environnement qui n’est pas le meilleur pour vous à cause de la négativité qui vous entoure.

En écoutant « Lotus », j’ai l’impression que vous aviez plus envie d’une musique plus frontale, plus violente et lourde que ce que vous aviez fait auparavant, notamment par rapport à votre dernier opus. Est-ce que vous pouvez me confirmer cette impression ?

Joel Ekelöf (chant) : Je pense qu’on a toujours voulu avoir ce son que tu peux entendre sur « Lotus ». Je dirais même que nous avons essayé sur chacun des albums de Soen de parvenir à obtenir cette musique. Je ne suis pas sûr que « Lotus » soit plus violent que notre précédent opus, mais je pense qu’effectivement qu’il est plus heavy que ce qu’on a déjà fait.

C’est votre premier album avec Cody Ford. Comment ça s’est passé avec lui ?

Tous les deux : Super !

JE: ça n’aurait pas pu mieux se passer. Il est très gentil, et a de chouettes compétences.

ML: On se demande même comment on a pu se passer de lui jusque là (rires).

Durant vos précédentes interviews, vous aviez déclaré que le mot qui définirait le mieux votre musique était « émotion ». Est-ce que cela peut s’appliquer également à « Lotus » ?

ML: Tout à fait, même si je trouve que définir un album en un seul mot est un peu injuste (rires). Mais oui, « émotion » est notre maître-mot puisque le but de notre groupe est de vous faire, à tous, ressentir des choses. C’est ce qui nous décrit le mieux.

JE : Cette émotion nous donne le courage de nous battre pour nos valeurs, de parler de nos expériences personnelles de manière sérieuse, et non de manière plus légère comme le feraient d’autres groupes. On ne parle pas non plus de thèmes ironiques. Et d’une certaine manière, je pense que cela nous rend imprévisible, et plus particulièrement sur « Lotus ». Tu parles avec ton coeur et tu dois accepter de l’ouvrir au monde… ainsi tu auras le sentiment d’avoir accompli une prouesse.

Et pensez-vous, au contraire, que le rôle de la musique, comme beaucoup de groupes et d’artistes le pensent, est de dire aux gens ce qui ne va pas dans nos sociétés actuelles ?

JE: Nous ne pensons pas que nous sommes en mesure de dire aux gens quoi faire. On peut écrire des paroles à propos de choses qui nous frustrent dans nos sociétés, et que nous devrions agir pour changer cela, mais pas de la manière « faites pas ci faites pas ça ».

ML : Tu ne peux pas te prendre pour un politicien face au monde. Nous ne pouvons dire à personne comment vivre leur vie car tu n’es qu’un être humain parmi tant d’autres; et même ces groupes qui pensent avoir le monopole de te dire quoi faire le sont tout autant que toi. En tant que musicien, tu ne dois pas partir du principe que les gens vont forcément t’écouter. Si tu peux juste rendre ton public heureux, c’est le principal. Après c’est très humain de regarder autour de soi et de se dire « je ne pense pas que ça marche ça » : honnêtement, c’est une partie de ce qu’on fait; C’est une partie de ce qu’on a à dire car on a besoin de transmettre une certaine valeur. Le but de notre groupe n’est pas seulement de faire des textes poétiques avec des mots bien jolis…. c’est bien plus que ça.

A propos du clip de « Martyrs » – et je sais que le sujet a du revenir assez souvent (rires) – comment est venu cette idée, et est-ce que vous vous attendiez à des réactions, positives et négatives, aussi fortes, extrêmes ?

JE : C’est étrange, en 2018, que les gens se mettent en colère à propos d’une vidéo montrant des mecs heureux habillés en drag queen avoir un bon moment. Je trouve cela vraiment étrange et effrayant. Et ces gars sont juste libres, libres de faire ce qu’ils veulent !

ML : Et je pense que c’est aussi pour provoquer ce genre de réactions qu’on a fait cette vidéo ! A l’époque, on s’est rassemblé pour décider de ce qu’on allait faire comme clip pour « Martyrs ». Et ce sujet est venu sur la table tout de suite. On a pensé évidemment à ces gens qui allaient flipper à la vue de la vidéo, et suite à cela, automatiquement, on s’est dit « ok, on va le faire ». Car ces personnes, si elles paniquent en 2018 sur un sujet qui devrait être accepté, si elles ne peuvent pas s’ouvrir à la tolérance, alors c’est une chose qu’on doit faire. On s’attendait donc aux réactions outrées de ces gars qui jurent ne plus jamais vouloir nous écouter suite à cela. Et si, cinq mecs, habillés en femmes, chantant nos chansons, c’était tout ce que c’était ? Nous n’avons pas de but politique, mené par un quelconque lobby. Mais nous soutenons ces personnes, bien sûr ! Faites ce qui vous chante du moment que vous ne blessez qui que ce soit physiquement, que vous ne brisez aucune loi ! C’est du bon sens, c’est logique de défendre quiconque qui veut vivre librement. En attendant ça nous fait des vues sur Youtube ! (rires). Je remarque aussi que les femmes sont les seules qui n’ont fait aucune remarque désobligeante. C’est comme si c’était trop compliqué à comprendre pour les mecs (rires).

Que pouvez-vous me dire sur « Covenant » ?

ML : « Covenant » a une dominante batterie/guitare que nos fans devraient apprécier. Elle a été assez rapide à composer. On en fera d’ailleurs une vidéo, qui sortira à ma fin du mois de janvier je pense.

Que pouvez-vous me dire sur « Lunacy » ?

ML (à Joel) : C’est ton tour mon grand (rires) !

JE: Il y a beaucoup de guitares dedans…

ML: Oui on sait ! (rires) On l’a écrite chez moi celle-là. On en était très content, et puis genre un jour avant l’enregistrement, Joel m’a montré qu’il avait rajouté un bon gros verset. Et ce verset est dans la version de l’album, et ça a rallongé le morceau. Le morceau parle des maladies mentales et comment on découvre qu’on en est atteint. C’est très sombre! Et c’est le genre de titre qui se suffit à lui même, avec les paroles et la voix de ce mec (montrant Joel)

On vous compare beaucoup à Tool. Est-ce une comparaison qui a lieu d’être selon vous, et plus particulièrement avec la sortie de ce nouvel opus ?

ML: On a aimé être comparé à un aussi grand groupe que Tool, je te l’accorde. Mais aujourd’hui, cette comparaison n’a plus lieu d’être : nous ne sonnons plus du tout comme eux. On est très inspiré par ce groupe, mais aussi par Pink Floyd, Opeth, et par un million d’autre choses. Mais les chansons de notre premier album sonnent très Tool. Et les gens ont fait le rapprochement, la comparaison, qu’ils ne lâchent plus aujourd’hui.

JE : j’ai l’impression surtout qu’on fait ce genre de commentaire car on est tous les deux chauves avec Maynard (rires).

ML : Et tu portes un long manteau noir comme Maynard dans le temps ! (rires)

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[CHRONIQUE] Evergrey – The Atlantic (Coup de coeur)

Nous nous retrouvons submergés par de plus en plus d’informations, de nouveaux films, de nouvelles séries, d’articles t’expliquant que la Terre est plate… Il en va de même pour la musique. En tant que chroniqueur, tu vois le marché inondé de nouveaux albums chaque semaine, parfois tous plus semblable les uns que les autres. Alors quand une galette sort du lot et te touche comme jamais, il est plus qu’important d’en parler.

Troisième album d’une vraie introspection de soi, débutée avec la sortie de « Hymn For The Broken » en 2014, « The Atlantic », nouvel album des Evergrey, prend la forme d’un voyage sur l’océan, avec tous les aléas qui vont avec. On a d’ailleurs quelques éléments sur les morceaux visant à nous faire plonger, la tête la première, dans cet album (bruits de radar sur « The Silent One », de vagues sur « Departure », de mouettes sur « The Beacon » …)

Mais tout ceci est une métaphore pour Evergrey et son chanteur, Tom S. Englund, pour exprimer les épreuves que nous pouvons rencontrer tout au long de notre vie. Le début de l’album est particulièrement sombre, avec des riffs plus lourds, plus puissant ce qui est assez surprenant de la part d’Evergrey (je pense notamment aux deux premiers morceaux « The Silent Arc » et à « Weightless »). La mélodie n’est jamais oublié notamment grâce aux claviers de Rikard Zander et à la voix toujours autant impeccable de Englund, véritable insufflateur d’émotions : on l’accompagne véritablement au coeur de ce voyage, on pleure avec lui, on rit avec lui, on souffre avec lui… Ce degré d’immersion dans un album de metal est des plus impressionnants.

La fin de l’album est plus posée, notamment avec les deux morceaux « Departure » et « The Beacon » qui commencent doucement pour monter crescendo vers une apothéose musicale, symbole, peut-être, d’un futur plus serein.

C’est une véritable montée en puissance pour le groupe suédois, qui mettre tout le monde d’accord, après leur dernier opus en date, « The Silence Within » qui, s’il a été salué par la critique, a profondément divisé.

« The Atlantic » est donc un opus immersif, maîtrisé de bout en bout qui vous fera vivre des émotions hors du commun. Un album rare, pouvant être à la fois d’une délicatesse et d’une violence extrême, qui vous secouera. Dans tous les sens du terme. Evergrey commence l’année très fort.

10/10

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« End Of Silence » :

« Weightless » :

« Currents » :

« A Silent Arc » :

[CHRONIQUE] Soilwork – Verkligheten

Il aura fallu attendre quatre ans avant de revoir un nouvel album des Soilwork ! Après le mitigé « The Ride Majestic », le groupe a préféré sortir une compilation ainsi que, pour deux d’entre eux en tout cas, se concentrer sur le side-project The Night Flight Orchestra. Ce nouvel album est donc arrivé au moment où personne ne l’attendait. Pour le meilleur ?

« Verkligheten » est assez original dans le sens où il va vers une direction plus inattendue, celle d’une approche plus directe et incisive, moins dans le death mélodique donc qui a fait le succès de Soilwork. Certains diront d’ailleurs qu’ils ont été influencés par The Night Flight Orchestra : si deux projets d’un même auteur doivent forcément s’influencer, on le sent bien par moment, notamment, peut-être dans le chant clair de Björn Strid, bien plus assuré qu’auparavant. Les mauvaises langues diront même qu’on entend moins le growl. Ce dernier est d’ailleurs totalement absent du titre « You Aquiver » qui, avec son ambiance très disco, semble s’être trompée de galette.

La musique donc est plus rentre-dedans : « Full Moon Shoals » en est peut-être l’exemple le plus flagrant, on assiste à un vrai retour aux sources, les riffs de guitare allant même jusqu’à sonner Judas Priestesques. Pourtant Soilwork n’en oublie pas ses racines mélodiques pour autant, et certaines montées lyriques sont tout bonnement envoûtantes !

Le groupe prend des risques et va dans tous les sens : un peu de violoncelle, quelques transitions surprises, des introductions et conclusions cosmiques…. ça explose dans tous les sens à la limite, parfois, de perdre son auditeur.

Soilwork nous livre donc avec « Verkligheten » une galette directe, qui revient par moment à un son plus brut. Mais c’est aussi le CD de la prise de risque, qui, si on doit la saluer, s’éparpille dans toutes les directions. Néanmoins, il s’agit là d’un excellent cru de Soilwork avec lequel vous pourrez facilement prendre votre pied !

8,5/10

Soilwork

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