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[INTERVIEW] Johann (TRANK) : « On essaie de donner du bonheur aux gens »

Forts d’un premier EP salué par le public et la critique, les TRANK enfoncent le clou avec la parution d’un premier album, « The Ropes ». Johann, sympathique batteur du groupe, a accepté de nous en dire un peu plus.

Metal-Actus : Comment est né TRANK ?

Johann (batteur) : Julien, notre guitariste, souhaitait pouvoir jouer ses compositions : il s’est donc mis en tête de fonder son propre groupe et a mis alors une petite annonce pour trouver un chanteur. Michel, notre actuel chanteur, l’a vu ! Lui jouait dans un groupe de reprises qui marchait bien, dans la région de Genève, mais ils n’arrivaient pas à franchir le pas de la compo. Julien lui a envoyé quelques démos, il a trouvé ça super et il lui a renvoyé les voix dans les trois jours. Julien a trouvé ça génial. Formidable ! Une love-story qui commençait ! (rires). Puis Michel, que je connais depuis très longtemps m’a proposé le projet que j’ai rejoint : ça devient donc une love story à trois, en tout bien tout honneur (rires). Et après une première expérience avec un bassiste, notre ami David nous est tombé du ciel via une petite annonce aussi.

«On veut faire du bien aux gens avec nos maux» est une phrase directement tiré de votre site internet. Est-ce important pour vous, de aussi faire de la musique pour les autres, et non pas uniquement pour vous ?

Parfois, notre musique ou nos paroles peuvent être sombres, mais on essaie toujours d’avoir un équilibre, du contraste ! On essaie de donner du bonheur aux gens – et je ne sais pas si on est capable de le faire à chaque fois. On veut aussi que les gens réfléchissent et sautent en même temps : pas dans le sens devenir un intello, mais décortiquer nos morceaux. Au fur et à mesure des écoutes, le morceau va nous paraître plus riche que ce qu’il nous paraît. Et d’un autre côté, on a aussi envie de leur filer la banane, qu’ils aient envie de se défouler dans un concert, ou de mettre le CD dans la bagnole et de chanter à tue-tête – ce que font mes enfants régulièrement, même moi je n’en peux plus d’entendre mon propre CD. (rires). On veut que les gens se disent qu’ils ont passé un bon moment, sans pour autant en ayant écouté une musique qui va s’adapter en fonction de l’humeur. Il peut très bien y avoir une musique qui va nous faire sentir mieux sans que ce ne soit forcément Patrick Sébastien (rires). Idéalement même ce ne serait pas Patrick Sébastien (rires).

«The Ropes» qui est votre premier album, sort un peu tardivement par rapport à votre dernier EP (2016). Alors même si je suppose que vous avez été occupés par vos concerts, ce laps de temps vous a servi à pondre une musique dont vous étiez à 300% satisfaits ?

Oui. De base, on est des perfectionnistes invétérés (rires). On a déjà passé du temps en salle de répète pour que ce soit le mieux possible, et de même sur l’enregistrement et le mix. Mais avant ça il s’est passé deux choses : à la sortie de notre EP, on s’est remis à composer et à faire évoluer un peu notre style ce qui a donné après les trois singles qui sont sortis en 2018. Et c’est avec ce disque et ces titres qu’on a commencé à démarcher les promoteurs, et on a eu la chance et le privilège de choper des premières parties démentielles. Et de jouer dans des salles grandes avec une sono de costaud, en entendant notre musique dans ce contexte là, on s’est dit que c’est ça qu’on devrait avoir comme son, mais en studio ! Et il nous fallait les compos qui allaient avec ! Donc on a repris tous les morceaux qu’on avait finalisé ou qui étaient en travail pour qu’ils prennent de l’ampleur et et je ne parle pas d’un point de vue volume ou puissance. On doit trouver un équilibre entre puissance d’un côté, et texture de l’autre. Ce n’est pas facile à faire ni à mixer (rires). D’ailleurs l’ingénieur du son qui a collaboré avec nous a très bien bossé car ce n’était pas simple (rires). Si ça a pris du temps, cela nous a permis de bien évoluer. Et on voulait éviter les phrases du type : «Ah c’est pas mal pour un groupe qui commence !» .

Le titre «The Ropes» de votre album fait-il référence au Shibari (art du bondage japonais) ?

Le clip oui. Mais la chanson des cordes – littéralement – présente en fait une situation où un personnage est manipulé et un autre lui montre ses cordes de marionnette. Sauf que ce dernier veut lui faire prendre conscience de sa manipulation afin, à son tour, de pouvoir mieux le manipuler. Un peu comme dans Matrix ! L’une des phrases qui revient c’est «dis-moi si la marque des cordes te gêne». C’est un rapport de force qui s’établit, et c’est le sujet du morceau. Pour la vidéo, Alban Verneret, qui est notre directeur créatif, le cerveau de ce qu’on fait visuellement, et un petit génie (rires), nous a dit qu’il connaissait plein de gens dans le monde du shibari : malgré le côté contrainte avec les cordes et tout, mais il y a aussi une dimension hyper graphique et artistique voire spirituelle à un certain niveau. Et c’est intéressant car même si on ne voulait pas faire un truc SM, on voulait faire un truc sympa et élégant.

En parlant d’Alban Verneret, comment vous l’avez rencontré et convaincu de participer à l’aventure TRANK ?

De façon assez surprenante : Alban était le contact d’une personne qui travaillait à l’époque pour nous, et qui nous a mis en contact. On s’était mis en tête de tourner trois clips – les singles qu’on a sorti sur 2018-2019 – car aujourd’hui, on part du principe que si tu n’es pas vu, tu ne seras pas entendu. On l’a rencontré, ça a super bien marché, il nous a proposé des concepts qui nous ont vachement plu. Et la première fois qu’on a travaillé avec lui, on n’a pas fait un clip, on a fait trois clips, et en deux jours. Mais ce n’était pas pour des raisons budgétaires mais parce qu’on s’est dit que si on voulait raconter une histoire qui se déroule sur trois chansons, on pouvait faire plusieurs choses au même endroit qu’on va traiter différemment. Et non seulement on a shooté les trois clips, mais en plus il nous les a envoyé, montés intégralement dans les 72 heures qui ont suivi. Et le pire est qu’il s’est excusé d’avoir pris autant de temps car «c’était les fêtes». (rires). Cela fait deux ans et demi qu’on travaille avec lui et ça fait deux ans et demi que je lui pose la même question : «d’où tu sors ? Comment tu fais ?» (rires). Je n’ai pas de réponse aujourd’hui. Ce mec fait de la réalisation, de la colométrie, du graphisme aussi – donc c’est lui qui nous a fait la pochette de l’album ainsi que le booklet – il nous a fait les photos, il nous a aussi tourné le clip live qu’on a fait de «Chrome» – et d’ailleurs il faisait le montage pendant qu’on rangeait le matériel (rires) – Et c’est lui qui nous a fait le design pour le merchandising qu’on va lancer prochainement. C’est donc le couteau suisse de tout ce qui est visuel. Et il se trouve que tout ce qu’il fait, c’est bien quand même ! (rires).

«Il faut être vu avant d’être entendu», vous allez à l’encontre de pas mal de groupes, français notamment, qui pensent que seule la musique peut suffire.

Si ta musique est mauvaise, quoi qu’il arrive tu peux faire ce que tu veux comme clip, ce sera mauvais – sauf à de très rares exceptions près. Mais celle-ci, selon moi, ne suffit pas forcément : sur Spotify, tout le monde peut écouter ce que tu fais dans le monde tout comme 300 millions de groupes ! Et en général, tu y vas soit chercher des artistes que tu connais, soit des playlists «Discover» et découvrir des groupes que tu ne connais pas, éventuellement. Et la plupart du temps, même quand les morceaux sont biens, tu n’y fais pas plus attention. Sur Youtube : même si on retrouve ce même principe d’algorythme, il y a un élément visuel, qui peut aider à capter l’attention facilement. Encore une fois, si la musique est pourrie ça ne va pas aider (rires) peuvent se dire «le clip est pas mal !»… L’internaute veut juste voir un truc qui lui plait. Donc le trip du musicien maudit qui ne vit que de sa musique et d’alcool (rires) … Les gens ont de plus en plus de trucs hyper peaufinés, léchés, donc quand tu es un musicien qui veut te faire connaître, tu dois donner envie aux gens ! Après l’EP on a décidé de se donner les moyens de faire quelque chose de carré . Mais c’était notre choix.

Pourquoi avoir choisi «Chrome», qui est un hommage aux motards, en tant que premier single ?

Très tôt dans le groupe, on a eu un groupe de motards qui nous a pris d’affection, et qui est venu nous voir à tous les concerts. Ils ont fêté les cinq ans de leur association de motards, ils nous ont demandé donc d’y jouer. On avait ce morceau dont on n’avait pas encore les paroles et Michel a dit : «En fait ce serait vraiment bien d’en faire un hymne aux motards !» On n’a pas fait ça par calcul pour se faire plus de copains chez les motards (rires). Michel a écrit les paroles, pour parler de leur philosophie -Quand tu es sur ta bécane, tu te vides la tête et tu trace ta route – mais aussi de la vie de notre bassiste qui est également biker. Et on trouvait que le riff était déjà vachement bon – c’est très subjectif ce que je viens de dire (rires) – Et à chaque fois qu’on la jouait en live, on avait une super réaction du public – motard ou pas d’ailleurs. Comme on avait déjà sorti quatre clips tournés en studio, là on s’est dit qu’on va faire un clip live, pour nous montrer en concert! On a donc tourné les images sur deux concerts en Europe de l’Est, sur des scènes assez grosses. Et on l’a lancé en premier car c’était au début du confinement et que ce serait le bon moment de monter des trucs live, même si on ne peut pas encore nous voir ou revoir en vrai !

En fait je te dit ça car j’aurai plus vu «The Ropes» en tant que premier extrait car représentant plus l’album dans sa globalité !

Et c’est pour ça qu’on en a fait le single principal ! Parce qu’on s’est dit exactement la même chose, en pensant à ce morceau et à «Shining» aussi. C’est pour ça qu’on a voulu sortir «The Ropes» en même temps que l’album, pour le présenter.

Que peux-tu me dire sur «Shining» d’ailleurs ?

On a beaucoup retravaillé sur ce morceau. Il y avait un riff de guitare accrocheur et Michel a trouvé derrière une mélodie vocale qui complétait la guitare et était aussi assez accrocheuse. C’est probablement un titre que les gens ne vont pas avoir de mal à chanter avec nous sur scène parce qu’il rentre assez facilement en tête. C’est un morceau qu’on aime bien car il y a un côté énergique, mais aussi très contrasté au fil du morceau. J’en reviens toujours à mon histoire d’équilibre : c’est ce qu’on essaie de faire dans chaque chanson, et aussi après, au fil d’un album, d’avoir des vagues, comme ça, pour pas que l’auditeur se prenne douze titres bruts dans la figure.

Que peux-tu me dire sur «Refugee» ?

C’est une chanson qu’on a composé il y a quatre ans, l’un de nos premiers morceaux. C’est parti d’une ligne de guitare, toute simple de Julien, qui ne savait pas trop quoi en faire ! (rires) Et Michel nous a pondu tout un arrangement autour. C’est une chanson qui contient plus d’électronique que les autres. Il n’y a pas de paroles, et il y a une atmosphère beaucoup plus particulière. Mais on a tous beaucoup d’affection pour cette chanson qui est, pour le coup, beaucoup plus dans les textures, dans les ambiances. Les samples qu’on a utilisé est une combinaison de deux sources : la première c’est un journal télévisé des années 1970 qui parlait des «boat-people», et l’autre est un échange radio entre les gardes-côtes et un bâteau dans les années 2010 qui avait recueilli des migrants. Et quand tu mets les deux en parralèle, tu te rends compte qu’ils disent la même chose. Et ces deux audios ont quarante ans d’écart ! Et tu te dis que, visiblement, on n’a pas réglé le problème.

Vous avez obtenu des premières parties extrêmement prestigieuses pour votre jeune carrière dont Deep Purple. Comment vous l’avez vécu d’ailleurs ?

C’était comme si on disait à un enfant de cinq ans qu’il allait rencontrer le vrai Père Noël et que ça se passe – et ce n’est pas tonton avec une fausse barbe ! (rires) Ce sont des groupes qui ont tout fait, tout prouvé. Quand ça nous est tombé dessus, on n’y croyait pas une seule seconde, on ne va pas se mentir (rires). Même quand on est arrivé dans l’Arena de Riga (Lettonie) – on était tous seuls sur le parking et on voit cet énorme truc, on a espéré qu’il n’y ait pas eu une incompréhension, que ce n’est pas MidTurtle qui jouait sur le parking du truc (rires). Et non, ils nous attendaient bien, ce qui nous a rassuré un peu (rires). Et on a pris deux grosses claques ce soir-là : l’une musicale, l’autre humaine. Les mecs ont tout fait, et ils pourraient tout à fait se comporter comme des enfoirés, et que les gens leur disent «merci!», alors qu’ils étaient tellement humbles et gentils ! Don Airey est venu nous voir pendant notre soundcheck, dans la salle vide, nous encourageant et prenant des photos. Et pendant son solo le concert, les autres musiciens viennent nous voir. Steeve Morse, le guitariste, nous a félicité et à tenu à nous dire que tout le groupe nous a regardé ! Et heureusement que je ne m’en suis pas rendu compte parce que là … (rires). On a discuté encore dix minutes avec le groupe à la fin du concert. Humainement, pour des mecs comme nous qui sortent de nul part, ça nous a fait bizarre, et ça nous a secoué, dans le bon sens du terme.

La pandémie mondiale a mis un énorme cran d’arrêt aux concerts. Quel est ton point de vue sur cette période inédite en tant que musicien ? Et que penses-tu des ces groupes qui proposent de plus en plus des concerts en streaming ?

De notre côté, on ne reste pas assis sur nos mains : on compose, on fait évoluer notre projet, on prépare l’avenir tout en faisant écouter notre album au plus grand nombre, en espérant que les gens aiment bien et ne nous jettent pas des cailloux (rires). Donc on est fort occupés. Pour les concerts en streaming, en l’absence d’autres alternatives, ce n’est pas bête ! Il y a des groupes qui ramassent d’ailleurs beaucoup d’argent avec ça ! Mais je pense que de toutes façons, l’industrie musicale est en train d’évoluer. Mais quand les concerts vont – je l’espère – reprendre, j’espère, quand même, que les gens s’attendront à une expérience différente physiquement.