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[INTERVIEW] Chris et Pierre-Henri – The Last Embrace

The Last Embrace a su, en quinze années d’existence, s’imposer comme l’un des représentants de la scène progressive française, et comme le parfait héritier des mythiques Angel. Mais le genre reste encore trop méconnu en France, au grand dam des membres du groupe. Metal-Actus s’est adressé à Chis (batterie) et Pierre-Henri pour la promotion de leur nouvel opus, « The Winding Path ». Et ils nous livrent leur opinion sur l’état de la scène rock/metal française.

Interview réalisée dans une cave du Black Dog, le 13/04/15

Metal-Actus : Nous sommes donc ici pour la sortie de votre album, « The Winding Path »

Chris (batterie) : Qui veut dire …
Pierre-Henri (claviers) : « Le chemin sinueux ». Car les textes tournent pas mal autour des choix qu’on fait dans la vie, comment s’oriente notre futur, notre destinée.
C : Les chemins ne mène pas tous à Rome. Mais c’est la vie tout court en fait. Le parcours de la vie, avec ses hauts et ses bas, ses petits moments de soleil et ses petits moments de bad.

C’est de ces « petits moments de bad » dont vous vous êtes inspirés pour composer ?

C : Non. C’est plus le rôle de Sandy, notre chanteuse, au niveau de ses textes, qui tournent beaucoup là-dessus, sur toutes les compos. Donc, c’est à elle de mettre des mots sur ce qu’on essaie de faire.

Du coup, comment avez-vous travaillé autour des morceaux ?

PH : Notre principe de composition repose sur Olivier le guitariste et moi-même, qui amenons les squelettes des morceaux. Après, c’est réarrangé avec tout le groupe dans notre studio de répète, donc chez notre batteur, Chris, ici présent (rires). On le retravaille, et Sandy amène une ligne de chant. Puis on fait encore des modifications par rapport aux lignes de chant et de mon côté j’écris les lignes de violon. Et cela a donné ce que vous avez entendu.

Et comment cela se passe au niveau de la batterie Chris ?

C : Je profite d’être avec des gens qui ont un vrai talent de composition (rires). Je prend du plaisir à bosser sur les compos, et puis j’y met ma patte tout en me conformant à mon rôle d’arrangement. Mais les rythmiques de base peuvent obligatoirement changer, évoluer, surtout au moment des répètes où on commence à bosser le morceau. Tout se module un peu au fur et à mesure du temps, notamment le duo basse/batterie: il faut porter les morceaux. On a plus le rôle de sublimer en fait (rires). Il ne faut pas non plus bouffer tout le travail qu’il y a derrière, avec les notes de piano et de violon tu dois trouver la juste valeur, que tu sois cohérent histoire que ce ne soit pas le bordel. Donc chacun son petit rôle. (rires)

Cela fait maintenant 15 ans que The Last Embrace existe. Comment faites-vous pour garder une certaine cohésion au sein de votre groupe ?

PH : On vire les mecs (rires)
C : Pour ma part je suis arrivé il y a trois ans. Donc là pour l’instant ils m’aiment bien encore (rires).

Remarque l’amour dure trois ans en général …

PH : Ce n’est pas faux (rires)
C : On a franchi un cap ! On en reparle dans deux ans alors (rires). Je suis arrivé un peu sur le tard, avant la sortie de l’album acoustique (NDLR : « Essentia » sorti en octobre 2013). Je n’ai donc pas connu l’évolution depuis 1998. Il y a eu des changements de bassiste…
PH : On a un peu tout changé en fait (rires)
C :Le dernier gros changement a été une guitare en moins.
PH : C’est Laurent, notre deuxième guitariste, est parti. Chris a remplacé Alexis à la batterie

Et justement, comment as-tu pris le fait d’arriver dans un groupe déjà bien bâti, avec une longue carrière ?

C : C’est juste génial d’arriver dans un groupe bien établi, qui a déjà une ambiance, un passé : c’est tellement compliqué de créer un projet ou de rencontrer des gens pour faire quelque chose aujourd’hui. Si on reste des amateurs, on a vraiment besoin de s’entendre, comme des potes ou une petite famille. Donc on a tous un peu le même niveau, on s’entend tous super bien, et musicalement, c’est génial ! C’est le genre de projets qui sont un peu durs à trouver, ceux qui tiennent la route avec de l’ambition derrière. L’investissement, c’est juste le plus dur à faire dans un groupe.
PH : Surtout quand il y a les vies de chacun à côté ! Il y a le taf, la famille… Donc ça demande de bien s’entendre avec les gens.
C : Et faire de la musique naturellement, et avec du plaisir, c’est juste génial.
PH : C’est magique ! (rires)

Qui a conçu l’artwork ? Quelle est son histoire derrière ?

PH : L’artwork est de Dehn Sora, qui bosse plutôt dans tout ce qui est Metal extrême. Il se trouve que c’est également le beau-frère d’Olivier, donc ça a simplifié les choses. Il est habitué aux artworks plus sombres mais il a choisi des thèmes plutôt clairs, en adéquation avec ceux de l’album : on a ce chemin qu’on peut comparer avec la vie, avec ses espèces de « pièges » qui peuvent survenir.
C : Les couleurs sont un peu psychées. Et puis l’intérieur du livret reste très progressif.
PH : Mais oui, l’artwork montre ce côté progressif qu’on a essayé d’amener à l’album.

Est-ce que vous vous êtes inspirés de groupe dit « progressifs » comme Opeth ou Porcupine Tree ?

PH : Un minimum car ce sont des groupes qu’on écoute. On a été assez influencé par tout ce qui est seventies : on a donc trouvé un juste équilibre entre ce qu’on aime et ce qu’on faisait déjà, et apporté ces éléments dans la musique.
C : Après les influences, c’est une question un peu piège : quand on compose, on ne se dit pas « Faut que ça sonne à la Opeth ». C’est juste le fruit de notre boulot et avant tout notre musique. J’aimerai bien avoir un jour une étiquette The Last Embrace en fait : qu’on dise « Ah ouais, c’est du TLE ». Après, je comprend effectivement ce besoin de comparer, cela permet de situer les choses.
PH : Les groupes que tu citais, Porcupine Tree et Opeth, ont typiquement les même influences que nous, Pink Floyd et King Crimson. On se retrouve donc dans ces groupes-là.

Au niveau des concerts, j’ai vu que vous avez fait un showcase au magasin Gibert Joseph …

PH : Alors nous non (rires). Seuls Sandy et Olivier étaient là. Il y a vraiment deux parties à nos shows : celle électrique, où on est tous les cinq, et la partie acoustique où c’est fréquemment Olivier et Sandy, et parfois moi-même.
C : Cela permet à Olivier et Sandy de jouer assez souvent, surtout sur Paris et ses petits bars.
PH : Le problème des concerts « électriques », c’est qu’on a beaucoup de matériel sur scène. Et comme on répète à Reims, il faut mettre en place une logistique en conséquence : quatres claviers, une batterie, et les sonos c’est que ça prend de la place. C’est en partie pour ces raisons qu’on ne donne pas plus de concerts électriques.
C : D’où tous ces sets acoustiques, car on aime bien ça faut dire.
PH : D’où l’invention de la guitare acoustique.
C : D’où l’invention des petits bars pour faire des concerts
PH : D’où l’invention de la bière (rires)

Malgré ce fait, vous n’avez pas quelques concerts en prévision ?

C : Maintenant on se consacre surtout à la promo. Nous venons tout juste de terminer de construire notre set. On va rechercher le plus de dates électriques, en jonglant avec nos emplois du temps respectifs. Mais notre but est de faire des dates électriques; au moins une belle tous les deux mois ce serait une bonne chose. On a pris notre temps pour construire ce CD, élaborer notre set, répéter pour qu’on soit tous opérationnels en live. Oui, on va avoir des dates, enfin une ou deux (rires).
PH : Après, il est très difficile de trouver des dates intéressantes. Jouer dans des endroits où il n’y a que trois personnes, on
peut le faire. Il y a certains groupes qui le font, c’est un choix et je ne les critique pas, mais quand tu dois faire 300 km et que tu te
retrouves à jouer devant une salle presque vide … Ce n’est pas que je ne veux pas le faire mais ça demande tout un processus de logistique pour un retour peu rentable et satisfaisant.

Que pensez-vous justement de ces difficultés à trouver des dates ?

C : Dans ma ville de Reims, en dix ans, tous les bars-concert de la ville ont fermé. Il en reste un seul, « l’Excalibur » qui survit d’ailleurs, et bravo à eux. C’est honteux que dans une ville comme Reims il n’y ait pas plus d’endroit pour faire de la musique : ils ont tout regroupé dans un endroit qui s’appelle « La Cartonnerie » avec une salle de concert de 1200 personnes et un cabaret de 600 personnes, ainsi que des locaux pour les répètes en dessous. Sauf que la programmation est à ch*** (rires), dans le sens où ils vont vouloir des groupes vendeurs. Et puis il y a quelques associations qui vont organiser des soirées qui changent un peu. Maintenant, les gens préfèrent ouvrir un bar pour y passer un match de foot que pour y faire un café-concert. Et nous, qui faisons de la musique un peu underground, on est les premiers touchés. On a un gros public en France, mais je pense qu’il n’y a pas assez d’endroits, pas assez de gens qui pensent à nous pour faire des soirées pop-rock par exemple. On préfère payer un DJ pour mettre un peu d’ambiance en soirée. On regrette qu’il n’y ait pas plus d’endroit pour jouer. Il faut vraiment remuer ciel et terre pour faire un concert.
PH : C’est quelque chose qui s’est détérioré ses 20 dernières années. On en parlait justement avec Stephane Buriez de LoudBlast : il me disait que quand ils ont commencé, il y avait du budget pour les enregistrements, il y avait des budgets pour les tournées, que les labels mettaient de l’argent sur la table. Aujourd’hui, c’est un peu du « Do It Yourself ».
C : On a aujourd’hui le crowdfunding pour faire la trésorerie et la promotion. Après pour les concerts qu’on fera, ce
n’est peut-être plus la bonne époque pour en faire.

Après, c’est peut-être une questions de choix, car certains ne se déplacent qu’aux festivals, comme le Hellfest ?

PH : Tout à fait. Je ne dis pas qu’ils ne faut pas qu’ils y aille mais il me semble qu’on y voit juste un petit panel au sein de tous ces groupes étrangers. En Allemagne ou même en Belgique, il y a beaucoup plus de choses pour des groupes comme nous.

Cela vient de la pauvre couverture médiatique concernant votre style de musique selon vous, de la part, notamment, de médias généralistes ?

C : Johnny Hallyday a eu la bonne idée de vendre du rock alors que ce n’est pas du rock (rires). C’est le genre de truc qui marche aujourd’hui. On est un peu un pays « poubelle » dans le sens où ce qui se fait est plus orienté vers le business que vers la qualité.
PH : Des groupes comme nous, le style qu’on fait, ils n’existent pas pour eux, juste pour la presse spécialisée. Notre but reste de se faire des concerts. Mais entre le public qui ne se bouge pas, la presse qui ne nous traite pas et les labels qui n’avancent plus d’argent, ça devient plus difficile. Alors le Motocultor programme encore les groupes locaux, mais il y en a combien au Hellfest ?
C : De toutes façons, la scène française n’a jamais eu la côte.

C’est-à-dire ?

C : Pour en revenir à ma ville, Reims, il y a 30 ou 40 ans, tous les gros chanteurs y venaient faire un concert. Et c’était une date « test » : si le concert était monstrueux, on pouvait lancer une tournée car ça marcherait partout en France, et on pouvait lancer la tournée dans toute la France. C’était donc pour dire à quel point à Reims c’est froid maintenant (rires). Mais la culture de la musique ne vient pas de chez nous.
PH : Après ça dépend du style de musique : dans les années 1950/1960, tous les genres ont commencé à émerger. Et Paris était « The Place to Be ».
Encore aujourd’hui, les musiciens de jazz sont connus et reconnus en France. Pareil pour l’électro : il y a une scène française vivante. Mais pour
le rock …

Tu penses que le genre est plus accessible pour le citoyen lambda ?

PH : Je ne pense pas que ce soit une question d’accessibilité : il y a un public pour ça. Et la France n’est pas un des pays fondateurs du rock
C : Le jazz, ici, tu l’apprends au conservatoire. Pareil pour le classique. Certaines personnes qui font ça et qui considèrent ces deux genres comme la grande musique, et ne prennent pas en considération le reste. Sur Paris, le classique et le jazz, ça marche : il y a des endroits où jouer, il y a un public pour ça. Mais ce n’est pas le cas pour un style un peu underground.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour l’avenir ? Beaucoup d’albums vendus, des concerts ?

C : Ouais ! On veut juste avoir notre monde, faire de la musique, s’impliquer dans un album. On est fier de faire partie des groupes de progressifs français. On veut être reconnu, et avoir plus de facilités pour faire des concerts … Qu’on pense à nous si une soirée s’organise!

Un dernier mot ?

C : Allons prendre l’air (rires)
PH : Venez-nous voir en concert. Et venez à notre rencontre : on aime toujours rencontrer des gens et discuter avec eux.

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