[INTERVIEW] Arsène et Benji – L’Esprit Du Clan

Après 4 ans d’absence, L’Esprit Du Clan revient avec un nouvel album, « Chapitre VI ». Arsène et Benji ont accepté de nous causer de cet album plus solaire et vivant que son prédécesseur, « Chapitre V – Drama ».

Metal Actus : Hello ! Comment vous vous portez ?

Arsène (chant) : Salut ! Et bien ça va super bien ! C’est le marathon promo aujourd’hui, on est très contents, c’est génial !

J’ai été surprise par ce côté plus solaire à « Chapitre VI », par rapport plus particlulièrement à votre dernier album. Quel a été le déclic ?

Benji (guitare) : On ne calcule pas je crois. On ne l’a jamais été là-dessus. Au moment du processus de composition, on n’est pas dans la prévision. On constate mais on ne provoque pas. On se laisse guider par l’envie, par l’impulsion, par le truc quoi.
A : Tu remarqueras après, qu’à chaque période qu’on a fait un album, il représente exactement l’état d’esprit dans lequel tu es à ce moment là. C’est ça qui est icroyable. Après, tu n’en a pas conscience quand tu le fais.

Je vais revenir sur votre communiqué de presse, notamment sur l’enregistrement effectué, je cite, « dans les mêmes conditions que dans les années 2000 ». Une petite explication ?

B: On avait cette volonté, cette envie de retoucher ce truc qu’on a dans nos premiers albums très analogique. Sur nos derniers disques, dans un souci de propreté, de stylistique, on voulait quelque chose de froid et de chirurgical : la musique qu’on faisait était un peu plus exigeante et plus rapide. Donc on éditait tout, dans un souci de propreté et suite à la volonté propre du groupe. Cela ne correspond plus à nos attentes. On avait ce besoin de pondre quelque chose rapidement, mais aussi de retour aux basiques, aux racines : on avait envie de laisser des pains, de laisser des trucs un peu plus fous … on les a laissé car on a voulu en faire une force. Et franchement, je suis assez satisfait du résultat parce que quand on écoute l’album dans sa globalité, ça bouge, il y a du mouvement, il y a une courbe. Et c’est ça que j’aime bien ce côté un peu….

Vivant ?

B : Oui, voilà, ça donne de la vie. Et honnêtement, je pense que ça contribue aussi aux premiers retours qu’on a, qui sont positifs.

Par rapport aux textes, j’ai eu l’impression qu’ils étaient un tout petit peu moins revendicatifs …

A : Honnêtement, j’ai vieilli, on s’est arrêté 4 ans, j’ai pris du recul sur ce qu’on faisait avant et sur ce que je suis aujourd’hui. Alors mes idées sont les mêmes, mais je ne peux pas faire pareil au niveau de la forme : ce n’est pas possible. Donc je me suis inspiré de poésie, j’ai imprimé des textes Bashung, de Léo Ferré … J’ai voulu être plus poétique, plus métaphorique. Et je ne pourrai plus aujourd’hui, comme je le faisais quand j’avais 20-25 piges, dire « va-te faire encu!er » (rires)… Je ne suis plus dans ce trip là. Je n’assumerai plus. J’estime qu’il faut vivre avec son temps : quand tu vois des gonzesses de 60 ans qui ressemblent à des gamines de 20, ça me fait de la peine pour elles. Et inversement, s’il y a des filles de 20 ans qui essaient de se vieillir, je me dis « Mais puta!n, vivez votre jeunesse quoi !  » Je trouve ça bien d’être en accord avec son âge.

Un des morceaux phares de cet album est « Hymne au Silence » (NDLR : qui est le deuxième clip du groupe), en tout cas celui que j’apprécie le plus personnellement. Peux-tu nous en dire plus ?

A : Brassens disait qu’au dessus de 4 personnes on devient débile et je ne suis pas loin de penser ça. L’appartenance à un clan, c’est différent de la foule car ça reste restreint. Et les mouvements de masse, de foule, ça m’a toujours fait peur. Sa bétise et sa violence me font peur. Ses revendications me font peur. Et « Hymne Au Silence » c’est ça : il y a tellement d’informations aujourd’hui, tout le monde donne son avis sur tout, que je pense que parfois, de bonnes cures de silence ça ferait du bien à tout le monde. Au bout d’un moment, c’est bien aussi de prendre plus de recul sur les choses. Voilà, c’était ça, le thème de cette chanson. Au sens premier, je voulais vraiment faire un hymne au silence.

J’ai aussi ressenti la même chose, la foule et moi, ce n’est vraiment pas ça…

A : Ah mais moi je suis agoraphobe ! On me demandait tout à l’heure ce que je pensais des thèmes d’actualité, notamment de « Nuit Debout ». Je suis sceptique, je n’ai rien contre, mais moi, tout ce qui est mouvement de foule, je ne peux pas. Je n’ai jamais pu faire une manif, je trouve qu’il y a un truc complètement abrutissant.
B: Chacun se fait son propre journaliste, tout le monde a une propre tribune, facilitée par les réseaux sociaux et on veut un peu sa part du gâteau. Et finalement, des trucs comme « Nuit Debout »…. je m’informe moins qu’avant, parce qu’il y a un espèce de dégueuli en permanence médiatique de ce qui se passe, de trucs relatés … Et même quand tu n’a pas envie de savoir, ça te revient quand même à la face. Donc pour en revenir au côté agoraphobe, ça donne envie de se terrer un peu, de rester silencieux, et d’observer.

« Rats Des Villes » est votre premier single. Il s’agit d’une véritable ode à Paris. C’était une évidence pour vous ?

A: Et bien ça ne l’était pas en fait (rires), jusqu’à une semaine ou deux avant la sortie de l’album, on ne savait pas qu’on allait le prendre en tant que single. C’est comme « Or Astral » ! On ne voulait limite plus la jouer sur scène et on a eu des retours comme quoi il faut la faire. Et pour en revenir à « Rats Des Villes », non, ce n’est pas si évident que ça, et maintenant, je me demande comment on a pu douter que cette chanson était un hymne et devait être mise en avant. C’est difficile quand tu n’as pas le retour des gens, quand tu es à fond dans la compo, de savoir ce qui vaut plus que d’autres. Et là, depuis la sortie de l’album, on voit bien qu’il y a trois chansons qui se détachent. Mais je te jure qu’on n’en avait pas conscience avant.

Il faut que vous jouez « Or Astral » ! C’est l’une des meilleures de l’album.

A: Mais c’est évident maintenant (rires) ! On ne savait pas, mais là on va la refoutre dans le set !
B : A vos ordres ! (rires)

Vous avez collaboré avec Christopher « Zeuss » Harris sur cet opus. Comment ça s’est passé ?

A : J’étais en échange avec lui. Techniquement, très pro, très rassurant, très régulier, il va vraiment dans la direction qu’on veut en apportant sa plus-value de mec qui fait ça toute l’année avec des grosses productions. Humainement, froid, on n’a pas eu d’affinités particulières. Il va forcément plus relayer les grosses productions qu’il fait comme Hatebreed, mais ceux plus petit ou étranger, il ne va pas les mettre. On a un grand respect pour son boulot, il fait très bien son taf.

Et pourquoi avoir choisi une nouvelle personne à ce niveau ?

A : Parce qu’il le fallait : avant, c’était un pote à nous qui s’en occupait, mais il a arrêté de faire du son. on voulait aussi bosser avec un professionnel. Et puis, Verycords croit en nous sur cet album et met vraiment les moyens sur notre musique.
B : C’était un pas qu’on avait envie de faire. Pour le coup, avec notre premier ingé-son, on restait en famille. On restait trois mois en studio, mais à la fin, tu as la tête farcie, tu ne sais même plus prendre du recul. Si on maîtrisait tout de A à Z, on s’est rendu compte que, quand tu fais de la musique, tu ne peux pas avoir toutes les casquettes : t’es bon musicien, t’es bon chanteur mais tu ne peux pas être ingé-son, comédien … Tu es bon dans un domaine je pense. Et puis, on ne va pas se mentir, on fait du metal et on a tous écouté, gamins, des grosses productions américaines qui nous font rêver. On voulait avoir le son quoi ! On voulait cette espèce de gros rouleau compresseur ne desservant ni la musique, ni les thèmes abordés. Pour l’instant, on n’a pas un seul album qui sonne de façon aussi puissante que celui-là.
A : C’est vrai que c’est bien d’avoir délégué, en touchant à juste deux trois détails.
B : C’est un processus agréable, et c’est bien de pouvoir se laisser guider. Mais je pense aussi qu’il faut avoir une certaine maturité pour accepter de faire ça.

Dans quel sens ?

B : Maturité artistique si tu veux, ce sont des choses où il faut avoir de l’expérience : il y a des mecs dont c’est le boulot, qui sont payés pour ça et c’est bien de relâcher les choses et cela te responsabilise aussi dans ton truc à toi.

A propos de votre pochette, elle casse un peu avec d’autres parce qu’elle reste très sobre, avec ce titre enluminé à la façon des vieux livres. Contrairement à d’autres groupes qui sont prêt à débourser des fortunes pour avoir des artworks très travaillés, pourquoi avoir choisi cette sobriété ?

A : Je lisais les retours sur la mort de Prince hier et j’ai appris qu’il avait fait un Black album, tout comme Metallica. Nous-mêmes on l’avait fait à l’époque avec une pochette très neutre, et très noire. On ne voulait pas miser sur l’emballage : si tu veux faire une pochette avec un truc hyper strict, hip-hop hardcore avec un logo typé, tu sais à quoi tu vas t’en tenir. Idem pour une pochette héroïc fantasy, … L’artwork a tendance à guider les gens. Là ,je voulais laisser les clefs aux gens, pour les laisser découvrir cet album par eux-même, sans àpriori. C’est un album contrasté, certaines chansons étant plus solaires, d’autres plus sombre.
B : C’est vrai que la musique de l’esprit du clan est assez cinématographique. Tu peux faire plaisir, ou du bien, à quelqu’un qui a perdu son chien, comme un mec qui vit un vrai drame (rires). Cela prend des sens différents selon les gens. C’est ouvert à toutes les interprétations.
A : Dès le départ, quand on a voulu reformer le groupe, on s’est dit assez rapidement qu’on s’en fout. On voulait juste « et paf, on est l’Esprit du Clan, vous n’aurez pas de truc, pas de thème et paf ». Voilà, c’était ça l’idée.

Je vais maintenant passer à la tournée. Je suppose qu’après plusieurs années d’absence, vous retrouver sur scène doit vous faire le plus grand bien non ? J’ai vu que vous avez fait le Betizfest dernièrement …

A : Je suis encore sur le petit nuage du Betizfest ! C’est incroyable, c’est fou cette sensation !
B : C’est difficilement définissable. Ouais c’est une osmose, il y a un truc. C’est hors-temps ! Du moins quand tu es bien dans ton truc. T’es dans une bulle, entre les gens du public et toi, il n’y a plus rien, c’est une sensation intéressante.
A : On a hâte d’être à Paris. C’est vrai que c’est de l’adrénaline pure et dure. C’est vrai que tu ne fais pas attention au temps, et il y a très peu de moments où tu t’oublies comme ça.


Vous allez donner un concert à Paris, dans le cadre du Headbang Contest. Pourquoi avoir choisi d’apparaître sur cette affiche ?

Tous les deux : C’est eux qui nous ont choisi ! (rires)
B: Il faut savoir aussi que la plupart des dates qu’on a là ont été bookées avant même qu’on annonce notre retour avec de la nouveauté. On l’a fait en interne, ça a commencé un peu à se diffuser, et il y a très rapidement des organisateurs qui nous ont programmés. Ce sont des dates qu’on aurait de toutes façons faites, même si on venait sans album. Pour la petite histoire, le Headbang Contest nous voulait en tête d’affiche, l’année où on s’est arrêté.
A : Pour être très honnête, je ne savais même pas, au départ, que c’était un Contest. Pour nous, c’était une simple date à Paris, mais on l’a su assez vite après coup. On n’est pas contre le concept, et pour nous, c’est l’occasion de jouer à Paris dans une chouette salle. On y jouera d’ailleurs pour la première fois. Et on est super contents de pouvoir jouer dans le cadre de cet événement : je suis dans le jury, je soutiens le projet à fond, mais on ne savait pas, au début, qu’on allait être les parrains d’un concours en fait.

Comment s’est passé l’intégration de Julien, votre nouveau bassiste ?

A : Ah bah on l’a bizuté le petit hein ! (rires) Non, c’est un mec super zen, qui s’adapte à notre humour de merde complètement décalé, qui bosse surtout et s’est fait sa place. C’est un super bassiste, c’est un super mec.
B : On a eu l’occasion de beaucoup se voir au début, car j’ai bossé avec lui pour tout l’apprentissage des anciens titres notamment, et quand il est arrivé, on s’est dit : « bon, il reste quatre mois avant les dates, il y a moyen de bien bien bosser les morceaux », il fallait qu’il apprivoise notre technique, ressentir un feeling : avoir la patte du groupe c’est important, surtout pour des mecs qui jouent ensemble depuis plus de 10 piges. A la base, je devais faire les basses sur l’album. Mais on voulait un vrai bassiste, et non un guitariste-bassiste, ou un pote gratteux qui s’y mettrait pour notre bon plaisir (rires). Ce n’est pas si facile à trouver, mais lui était niquel. Il était tellement rigoureux qu’il a appris tous les morceau en un temps record et les a interprété sur l’album.
A : C’est une merveille. On est tombé sur le bon.

Après vous être arrêté durant ces années, avez-vous l’impression de revenir plus fort, plus apaisé ?

A : Plus fort, je ne sais pas, mais plus apaisé pour moi oui. Je dois t’avouer qu’avant d’arrêter, on était sous l’eau : les répètes étaient un calvaire, ne serait-ce que le fait de prendre sa voiture et de se taper les bouchons…. Aujourd’hui, je suis content, je prend tout avec sérénité. Alors je touche du bois, j’espère que ça va durer le plus longtemps possible, mais je suis apaisé, plus heureux dans ma tête, et dans le groupe aujourd’hui qu’il y a 15 ans, même si j’y prenais aussi du plaisir, mais il faut savoir que c’était tellement la compète entre nous !
B : La pause est arrivée suite à un déséquilibre humain dans le groupe. Et ça a conclu par un arrêt qui a été bénéfique. On sait qu’il y a des choses à ne pas reproduire, et on connaît ce qui peut amener à cette situation. On est sur le bon rail maintenant, et c’est cool.
A : C’est un truc que tu ne peux pas comprendre à 25 ans.
B : C’est paradoxal ce que je vais dire, mais il y a une espèce d’innocence maturée. On a l’expérience, et en même temps, il y a le plaisir et le truc de revenir comme un jeune groupe.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

A : Du plaisir, et là, on a envie de jouer, donc ce sera notre projet à moyen terme.

Un dernier mot ?

A : Merci à ceux qui ont pris le temps de lire cette interview ! Et merci à toi d’être venue! A bientôt !

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